Bonheur au travail

Focus le bonheur au travail : enjeux et mise en pratique

La fonction « Responsable du bonheur » ou « Happy Chief Officer »

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« Et si vous recrutiez un « responsable du bonheur » ? » Voici la question que se posait Le Parisien dans un article en date du 11 janvier dernier. Terme que l’on entend depuis plusieurs mois, les avis divergent entre véritable métier du futur et job marqueté. L’objectif est de créer un engagement auprès du salarié et de le fidéliser sur le moyen et long terme auprès d’une organisation.

« Chief happiness officer (CHO), littéralement «responsable du bonheur »… L’intitulé de ce nouveau métier, que l’on retrouve surtout dans des start-up et des sociétés du numérique, peut prêter à sourire, voire susciter des sarcasmes. Pas étonnant car son aspect « champagne et paillettes » est souvent mis en avant : dans certaines entreprises, la fonction se limite à l’organisation de moments de convivialité et de fête. »

Pour certains, il s’agit de donner un « job title » crédible tel que le souligne Florent Voivin, hébergeur de site Web OVH : « Je préfère me définir comme responsable qualité de vie et santé au travail », et poursuit en disant « La convivialité, c’est important pour avoir le sentiment de faire partie d’un collectif, mais loin d’être suffisant pour être heureux au travail. »

La mission de ce diplômé en psychologie du travail a débuté il y a deux ans, après une enquête réalisée auprès des 1 400 salariés de la société (dont 750 au siège, à Roubaix), portant sur les conditions de travail, l’organisation, le niveau de salaire ou encore la mobilité interne.
Pour y parvenir, il explique que la démarche doit s’inscrire dans un processus global selon lequel l’ensemble des collaborateurs peuvent s’exprimer plus librement, laisser plus de temps à leur créativité ou encore encourager les relations extraprofessionnels. Plus concrètement, au-delà de services tels qu’une conciergerie ou une bibliothèque partagée, des outils tels qu’un réseau social interne ou la mise en place du télétravail sont des façons de repenser le travail. Ainsi, les personnes se sentent plus impliquées dans la prise de décision et améliore leur performance au travail.
« Près de Toulouse, chez Morning, une banque en ligne de 48 salariés, Marianne Prigaux a également pour fonction de mettre en oeuvre les conditions d’un climat favorable pour ses collègues. « Je suis happiness driver, le terme chief n’étant pas dans la culture de l’entreprise ». Marianne Prigaux, au-delà du terme utilisé pour décrire sa fonction, explique comment sa fonction opérationnelle et tournée vers l’événementielle a rapidement trouvé une place au cœur de la stratégie de l’organisation. En effet, elle a travaillé avec les Ressources Humaines sur le parcours d’intégration et la cohésion des nouveaux embauchés avec le reste des équipes.. « Une fonction aux frontières des ressources humaines et de la communication interne qui nécessite sens de l’écoute, curiosité, capacité à gérer des projets et force de conviction. »

Pour que ce nouveau métier dépasse le stigmate de la « nouvelle tendance », il faut dépasser l’opération de communication et s’interroger sur la volonté stratégique de l’organisation que ce soit au niveau du dialogue tant externe qu’interne mais également au niveau de la transparence des informations. Même si le retour sur investissement est difficile à mesurer, les cabinets spécialisés et consultants sur le recueil des avis des collaborateurs (Great Place to Work, Glassdoor, Happy at Work ou Supermood) sont des acteurs permettant de sonder les salariés et de réfléchir ensemble à des axes d’amélioration durables et viables.

L’exemple Danois

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Mais une fonction peut-elle fondamentalement revoir les méthodes organisationnelles françaises ? Les Echos avaient déjà fait la comparaison avec d’autres pays européens sur « comment rendre les collaborateurs heureux ? » notamment au Danemark. Ils s’interrogent sur le mode de fonctionnement et les éléments qui permettent de créer un environnement propice permettant le développement du collaborateur. Pour expliquer leur propos, Hélène GUINHUT n’avait pas hésité à citer l’exemple de Velux, entreprise de moins de 500 salariés classés 14e au classement de Great Place to Work en 2014.

Velux se revendique comme une entreprise modèle. «Nous avons cinq grandes valeurs: l’engagement au quotidien, l’initiative locale, l’amélioration continue, le respect mutuel et la rigueur dans notre travail», récite Benoît Fabre, le président France, pin’s de l’entreprise épinglé sur la veste. » Au-delà des valeurs et engagement que chaque entreprise défend à ce jour, Velux tire son épingle du jeu avec son origine danoise, et selon le « World Hapiness Report » en 2016, ce pays scandinave était premier tandis que la France se situait à la 32e place.

 « Au Danemark, un mot – « arbedjdsglaede » – exprime le bien-être au travail. «Cela implique plusieurs choses, notamment une véritable liberté d’exécution. Les Danois ne sont pas dans un management hiérarchique vertical, chacun est décisionnaire à son niveau. L’idée de validation est considérée comme un gros mot, ils préfèrent les discussions presque d’égal à égal», constate François Zimeray, ambassadeur de France au Danemark. »

En France, plusieurs entreprises telles que Prodition (prothèse auditives) ou ISS (externalisation de services) ont développé les outils et changer les méthodes de travail pour répondre aux convictions et concrétiser les valeurs d’engagement et de confiance. Jens Kofoed, Directeur de Prodition et d’origine Danoise, expliquer sa vision : «On ne met pas en doute ton envie de contribuer à la réussite de l’entreprise. Si tu traites tes employés comme des enfants, ils se conduiront comme des enfants. » Et l’insistance de l’inspection du Travail n’y a rien fait: il a refusé d’installer un système obligeant à badger matin et soir. «Contrôler, c’est soupçonner. Les 35 heures, on s’en fiche un peu, ce n’est pas le temps de travail qui compte, mais les résultats», explique celui qui assimile le contrôle à un coût pour l’entreprise. »

Quant à Antoine Namand, Président d’ISS, explique que la motivation passe le fait de dire à chacune des personnes de l’entreprise que son emploi est utile dans l’entreprise. « À un employé qui nettoie des bateaux, nous allons lui dire que grâce à lui des millions de voyageurs vont pouvoir partir en mer. » Ses outils et son implication en tant que membre de l’entreprise témoigne de sa volonté de faire bouger les choses. Il a ainsi mis en place Human Touch qui est le fait d’envoyé un selfie sur le lieu de travail en indiquant avec l’intérêt que la personne porte à sa mission. Il participe également au Company Day, journée pendant laquelle il incarne la fonction d’une autre personne et explique en toute humilité « Antoine Namand reconnaît avoir eu «un peu de mal à briquer les cuivres» et que «nettoyer la moquette de la salle de projection était un peu compliqué. Les employés sont fiers de nous montrer leur métier et ça leur permet aussi de se moquer gentiment de nous », sourit-il. »

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Et les chiffres le montrent : d’après l’enquête StepStone de 2012 sur le bonheur personnel et professionnel, 62% des Danois se disent heureux au travail quand la moyenne européenne est à 57% tandis que la France monte péniblement à la moyenne.

Une mise en pratique significative

Plus récemment, la Maïf de Marseille s’est équipée de bornes pour sonder le bien-être au travail. « Plus de 70 % d’entre eux répondent régulièrement, permettant d’améliorer le pilotage RH et d’agir sur la performance des équipes. »

« Il voulait mesurer le moral de ses troupes. Marc Violette, responsable du centre d’appels téléphoniques pour les sociétaires (CATS) de la Maif de Marseille, a donc préparé un questionnaire, réalisé sous Excel et mis à la disposition des collaborateurs sur un ordinateur. La démarche s’est révélée contraignante, ne garantissant pas totalement l’anonymat des répondants. Se sont ajoutés à cela une faible participation et un long process d’analyse des commentaires. Abandon de l’idée. Toutefois, la volonté de proposer une « tribune » vouée au bien-être est restée à l’agenda du top management. « Je suis convaincu que la qualité de vie au travail et la satisfaction des conseillers contribue à la performance de l’entreprise », explique Marc Violette. »

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Le choix est alors fait d’équiper les locaux de bornes interactives similaires à celles utilisées dans la distribution pour recueillir les avis des clients. « L’avantage d’une borne est qu’elle offre un terrain d’expression de façon instantanée, rapide et ludique. Résultat, les trois quarts de nos collaborateurs l’utilisent », observe Marc Violette. Il s’agit de « bornes smiley », installées à la sortie de l’open space. L’utilisateur répond à des questions fermées de type « comment avez-vous vécu votre journée de travail ? » en cliquant sur un émoticône dont la couleur est variable : vert foncé (très satisfait), vert pâle (plutôt satisfait), rose (plutôt insatisfait) ou rouge (insatisfait). En fonction des réponses, il est invité à préciser si son irritation ou sa satisfaction sont due à la hiérarchie, aux collègues, à l’organisation ou à la charge de travail.

« Qu’elles s’adressent aux consommateurs ou aux salariés, les enquêtes traditionnelles sont de moins en moins plébiscitées. Lorsqu’on y répond, c’est le plus souvent pour exprimer son mécontentement ou formuler une réclamation, constate Sébastien Lerouge, fondateur et directeur général d’Evalandgo, société conceptrice de Qwesteo, la borne qui a été adoptée par la Maif. A l’inverse, avec une borne, on réveille la franchise au quotidien : tout le monde est invité à s’exprimer, pas seulement « ceux qui parlent fort » et se font les porte-paroles d’un groupe. Et on n’est pas dans la démarche d’un cahier de doléances ».

Mesurer l’ambiance est une chose, prendre en compte le vote des collaborateurs en est une autre. « Il faut que le management soit prêt à entendre d’éventuels mécontentements et surtout à mettre en place des actions concrètes pour améliorer la situation. La borne est la première étape à une démarche d’amélioration continue », insiste Marc Violette. C’est ce qui s’est passé à la Maif : grâce au baromètre, la direction a pris conscience que de nouvelles procédures de pilotage mettaient les équipes sous pression. « Nous avons rapidement mis sur pied une réunion pour dire à l’équipe que cette tendance de fond à la démotivation était clairement prise en compte et pour annoncer des changements dans l’organisation », raconte Marc Violette.

« Dans les entreprises qui s’en sont équipées pour avoir un retour sur la perception du quotidien, la borne est clairement considérée comme un outil de pilotage RH », poursuit Sébastien Lerouge. A la Maif de Marseille, où la borne est un objet familier depuis octobre 2015, la direction estime que le dispositif instaure non seulement une atmosphère de confiance et de bonne humeur, mais aussi tient sa part dans la dynamique de performance du site. »

En conclusion, le bonheur au travail paraît difficilement mesurable et nombreux sont les acteurs qui pensent qu’une fonction dédiée n’est pas pérenne. Mais les défenseurs tentent tant bien que mal de trouver des solutions permettant de remettre au centre la personne, l’humain. Agilité et ouverture sur les méthodes européennes semblent donner des idées et répondre de manière viable aux enjeux de l’organisation de demain.

Sources

http://www.leparisien.fr/economie/et-si-vous-recrutiez-un-responsable-du-bonheur-09-01-2017-6541581.php

Le Parisien Economie, Et si vous recrutiez un responsable du bonheur ? Jean-Marc Engelhard, 11/01/2017

http://www.lesechos.fr/16/09/2016/LesEchosWeekEnd/00045-032-ECWE_aussi-heureux-qu-un-danois-au-travail.htm

Les Echos weekend,  Aussi heureux qu’un danois, HÉLÈNE GUINHUT 16/09/2016

http://www.stepstone.fr/b2b/espace-recruteur/nos-conseils-recrutement/enquetes-internationales/upload/CR-enquete-bonheur-au-travail.pdf

Enquête StepStone, Mars et Avril 2012

https://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/ressources-humaines/bien-etre-au-travail/0211728999403-des-bornes-pour-sonder-le-bien-etre-au-travail-305024.php

Les Echos, Des bornes pour sonder le bien-être au travail ? Julie le Bolzer 26/01/2017

 

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